La vierge de VERNOUILLET

 Texte tiré de: couv_mysteres_v

la vierge1La Vierge appelée Notre-Dame de Vernouillet est l'une des plus anciennes, des plus curieuses et des plus belles du Bourbonnais. Elle doit dater du XIII" siècle. Elle est bien conservée, bien qu'elle ait au cours des siècles connu moult vicissitudes.

Cette Vierge sculptée en bois plein de chêne est assise sur un siège droit sans dossier. Elle repose sur un coussin de bois de même essence. Les côtés du siège sont élégamment ornés d'arcades sculptées à jour, trilobées et cintrées. Il n'y a pas de dossier parce que cette statue était destinée à être placée soit dans une niche, soit adossée au retable d'un autel.

Dans la partie dorsale de la statue, l'artiste a creusé un compartiment assez grand, fermé par une porte scellée de trois ferrements à demeure, dont deux ont disparu.

Cette Vierge tient sur ses genoux l'Enfant Jésus bénissant le monde à la manière latine. Elle a le type général de la population féminine du pays. La Vierge est vêtue d'une robe dont on ne peut distinguer le corsage, car elle est recouverte d'une cape qui recouvre aussi toute la tête et dont les manches sont longues, ouvertes et tombantes. Les cheveux noirs comme ceux de l'Enfant Jésus sont ondulés. La robe et la chape sont teintes en rouge. L'Enfant Jésus, peint en vert, a le bras gauche cassé au coude. Le bras droit est debout, le pouce, l'index et le médius redressés, l'annulaire et le petit doigt repliés. Les genoux et les pieds ont été coupés à la hache.

La chaise est peinte en blanc avec ornements rouges et verts. En voici les dimensions: de la base au siège: 0,25 m ; épaisseur du coussin: 0,06 m ; hauteur du corps assis: 0,55 m. Total: 0,86 m.

Pourquoi venait-on prier la Vierge de Notre-Dame de Vernouillet ? Elle était censée protéger les amoureux, dont elle était la patronne. Au moment de la Révolution, elle fut sauvée par des paysans qui l'enfouirent dans le sol.

Lorsque la situation devint calme, de nombreuses années plus tard, les paysans sortirent de terre la statue. Ils voulurent la remettre dans ce qui restait de la chapelle, mais le propriétaire des lieux s'y opposa. Alors, dans le creux d'un chêne, ils la déposèrent et les fidèles, en secret, allaient y faire leurs dévotions. Les plus assidus étaient les amoureux dont les parents ne voulaient pas du mariage.

On raconte qu'un jour, près de la statue, une jeune bergère de dix-huit ans et un bon laboureur, un gros gars de dix-neuf ans, voulaient se marier, mais les parents s'y opposaient. Voici 1 'histoire:

" Un jour, y s'sont r'trouvés dans l'champ d'Varnouillet, à couté d'la Bounne Viarge qu'était mussée dans sa cabote de châgne. Les paures enfants étiont ben chagrins, et y pleuriont tou leu saoul.

Tout d'un coup, y-z-écoutont une voix ben douce sortir du châgne, leu promettant aide et protection. Y s'approchont et, en l'vant la tête, y voyont la Bounne Dame de Varnouillet que t'nait le ch'tit enfant Jésus su ses g'noux, prête à causer.

Les amouroux, ben r' connaissant, tombont à g'noux et récitont une gente litanie à la Bounne Viarge. Y-z-y disont: "Bonne Sainte Dame, voyez-vous, on est bien mal'reux: j'nous aimons du pu profond d'noute cœur, et nouté parents voulont pas nous laisser marier. Et pourtant, les pardrix, les marIes et les alouettes s'mariont ben comme y voulont ! Oh, vous qu'consolez les paures mal'reux affligés, protégez-nous, j'en avons tant besoin! Si j'pouvons nous marier, j'fesons l'vœu de r'venir là vous r'marcier l'jour d'voute Sainte Nativité et d'vous offrir des bons raisins attachés par des gentis rubans de soie 'blancs et bleus."

Et d'puis c'temps-Ià, mon bon Monsieur, la Bounne Dame de Varnouillet a été r' connue la patronne des amoureux et sa fête, le 8 septembre, est suivie par bien du monde d'la campagne. "

Dans une pièce de la maison du métayer, il y avait cette Vierge du xye siècle. Depuis le bourg de Bourbon-l'Archambault, distant de près de quatre kilomètres, compte tenu du détour qu'obligeaient de faire l'étang et la rivière, les femmes, les jeunes filles et même des hommes montaient jusqu'à Vernouillet, en ce 8 septembre après-midi.

À la Vierge, on venait demander de donner des enfants aux femmes stériles et des époux aux jeunes filles. Les uns et les autres s'agenouillaient et priaient devant la statue après quoi elles lui passaient au cou, à moins que ce ne fut au bras, un t1 beau ruban tout neuf. t~

Ce don leur donnait le droit de couper un petit morceau d'un des rubans qui ornaient déjà la statue. Ce bout de ruban devenait un talisman qui, non seulement faisait marier 0;1 donnait des enfants, mais auquel on pouvait encore chaque jour demander de nouvelles choses.

Depuis 1938, la statue a quitté Vernouillet, avec la ruine de la famille Débordes, qui devait quitter Bourbon-l'Archambault où la famille vivait depuis cent cinquante ans.

Les époux Débordes, Joseph et Lucienne, ne voulant pas que cette Vierge soit vendue, firent don de celle-ci au musée de Bourbon-l'Archambault, où on peut la voir.

Je suis allé au musée revoir cette Vierge, que j'avais admirée et priée aussi jusqu'à mes presque vingt ans.

J'ai été profondément vexé et heurté de voir qu'il n'était fait mention en aucun endroit que cette Vierge, qui est la plus belle pièce du musée, était un don de la famille Débordes. J'espère qu'entre le temps où j'écris ces lignes et la parution du livre, les Amis du Vieux Bourbon auront rétabli cet oubli et rendu justice à mes parents.